Introduction à la méthodologie
Les recommandations de pratique clinique


Les recommandations de pratique clinique ("guidelines" en anglais ou ligne de conduite) proposent des attitudes pratiques qui, en médecine actuelle, doivent être basées sur des niveaux de preuve obtenus grâce à une revue systématique de la littérature sur le sujet.

Les niveaux de preuve
Le principe est toujours le même : le meilleur niveau de preuve est l'étude contrôlée randomisée avec un nombre adéquat de patients (risque faible d'erreurs aet b) et le moins bon l'avis d'expert. Il faut cependant tenir compte de l'éthique médicale qui interdit des études contrôlées pour des techniques ou des traitements nouveaux dont l'effet est majeur et peu discutable (dans cette situation, les études contrôlées randomisées doivent se limiter à l'animal).

Les grades
La recommandation peut être gradée suivant son niveau de preuve. Il existe différentes échelles. A titre d'exemple, nous en signalerons deux. Il faut bien retenir que le choix de l'échelle est arbitraire et qu'il faut surtout bien définir les niveaux de preuve a priori avant l'établissement des recommandations.

Système utilisé par l’ACCP (American College of Chest Physicians)
niveaux de preuve
I. Essais randomisés de grande taille avec résultats bien tranchés: faible risque d’erreurs de 1ère espèce (a faux positif) et de 2è espèce (b faux négatif); méta-analyses.
II. Essais randomisés de petite taille avec des résultats incertains: risque moyen à élevé d’erreurs a et b.
III. Études non randomisées avec contrôles contemporains.
IV. Études non randomisées avec contrôles historiques et avis d’experts.
V. Séries de cas, études non contrôlées, avis d’expert.
grades des recommandations
A. au moins 2 investigations de niveau I.
B. seulement 1 investigation de niveau I.
C. uniquement des investigations de niveau II.
D. au moins 1 investigation de niveau III.
E. des preuves de niveau IV ou V.

Place de la méta-analyse dans les niveaux de preuve
= sujet controversé
n’est pas une expérience et donc n’a qu’une valeur exploratoire
niveau 2 d’office ? Niveau 1 si intervalle de confiance ne coupant pas la ligne d’équivalence ?

Système écossais (Scottish Intercollegiate Guidelines Network)
qualité des études
++ : si tous ou presque tous les critères de la grille d'évaluation sont remplis; les critères qui ne sont pas remplis risquent très peu d'altérer les conclusions de l'étude ou de la revue
+ : si certains critères de la grille d'évaluation sont remplis; les critères qui ne sont pas remplis ou pas adéquatement remplis risquent peu d'altérer les conclusions de l'étude ou de la revue
- : si aucun ou peu de critères de la grille d'évaluation sont remplis; les critères qui ne sont pas remplis ou pas adéquatement risquent probablement d'altérer les conclusions de l'étude ou de la revue
niveaux de preuve
1++ : méta-analyses de grande qualité, revues systématiques d'essais randomisés, essais randomisés avec un très faible risque de biais
1 + : méta-analyses bien conduites, revues systématiques d'essais randomisés, essais randomisés avec un faible risque de biais
1 - : méta-analyses, revues systématiques d'essais randomisés ou essais randomisés avec un risque élevé de biais
2 ++ : revues systématiques de grande qualité d'études cas-contrôles ou de cohorte ou études cas-contrôles ou de cohortes de grande qualité avec un risque très faible de biais, confondants ou erreurs aléatoires et une probabilité élevée de relation causale
2 + : études cas-contrôles ou de cohortes bien conduites avec un risque faible de biais, confondants ou erreurs aléatoires et une probabilité moyenne de relation causale
2 - : études cas-contrôles ou de cohortes de grande qualité avec un risque élevé de biais, confondants ou erreurs aléatoires et un risqur significative de relation non causale
3 : études non analytiques (cas cliniques,séries de cas)
4 : avis d'expert
grades des recommandations
A : au moins une méta-analyse, une revue systématique ou un essai randomisé coté 1++ et directement applicable à la population ciblée ou une revue systématique d'essais randomisés ou une somme de preuves venant principalement d'études cotées 1+ directement applicable à la population ciblée et démontrant des résultats globaux consistants
B : une somme de preuves venant principalement d'études cotées 2++ directement applicable à la population ciblée et démontrant des résultats globaux consistants ou des preuves extrapolées d'études cotées 1++ ou 1+
C : une somme de preuves venant principalement d'études cotées 2+ directement applicable à la population ciblée et démontrant des résultats globaux consistants ou des preuves extrapolées d'études cotées 2++
D : preuves de niveau 3 ou 4 ou des preuves extrapolées d'études cotées 2+

L'évaluation des recommandations
Les recommandations peuvent être évaluées à l'aide d'un instrument spécifique la grille AGREE (Appraisal of Guidelines Research and Evaluation) disponible en ligne dans de multiples langues (voir : http://www.agreecollaboration.org).

La grille comprend 23 critères ou items qui sont organisés en 6 domaines. Chaque domaine est conçu pour décrire une dimension particulière de la qualité des recommandations pour la pratique clinique.
« Champ et objectifs » (item 1-3) concerne l'objectif global de la RPC, les questions cliniques abordées et les groupes de patients cibles:
1. L’(les) objectif(s) de la RPC est (sont) décrit(s) explicitement.
2. La (les) question(s) clinique(s) couverte(s) par la RPC est(sont) décrite(s) explicitement.
3. Les patients auxquels la RPC doit s’appliquer sont décrits explicitement.
« Participation des groupes concernés » (item 4-7) examine dans quelle mesure la RPC prend en considération les points de vue des utilisateurs potentiels:
4. Le groupe ayant élaboré la RPC inclut des représentants de tous les groupes professionnels concernés.
5. Les opinions et les préférences des patients ont été identifiées.
6. Les utilisateurs cibles de la RPC sont clairement définis.
7. La RPC a été testée auprès des utilisateurs cibles.
« Rigueur d’élaboration » (item 8-14) décrit le processus de recherche et de synthèse des preuves scientifiques ainsi que les méthodes utilisées pour formuler les recommandations et pour les actualiser :
8. Des méthodes systématiques ont été utilisées pour rechercher les preuves scientifiques.
9. Les critères de sélection des preuves sont clairement décrits.
10. Les méthodes utilisées pour formuler les recommandations sont clairement décrites.
11. Les bénéfices, les effets secondaires et les risques en terme de santé ont été pris en considération dans la formulation des recommandations.
12. Il y a un lien explicite entre les recommandations et les preuves scientifiques sur lesquelles elles reposent.
13. La RPC a été revue par des experts externes avant sa publication.
14. Une procédure d’actualisation de la RPC est décrite.
« Clarté et présentation » (item 15-18) étudie la formulation et le format des RPC :
15. Les recommandations sont précises et sans ambiguïté.
16. Les différentes options pour la prise en charge de la situation clinique sont clairement présentées.
17. Les recommandations clés sont facilement identifiables.
18. La RPC est accompagnée d’outils permettant son application.
« Applicabilité » (item 19-21) examine la prise en compte dans la RPC de ses conséquences en terme d’organisation, de changement d’attitude et de coût lors de son application :
19. Les barrières organisationnelles potentielles à l'application des recommandations ont été discutées.
20. L’impact économique de l’application des recommandations a été examiné.
21. La RPC propose des critères permettant le suivi de l’adhésion aux recommandations et/ou la réalisation d’audit.
« Indépendance éditoriale » (item 22-23) concerne l'indépendance d’une RPC et l’identification des possibles conflits d'intérêts au sein du groupe d’élaboration.
22. La rédaction de la RPC est indépendante des organismes de financement.
23. Les conflits d'intérêts des membres du groupe ayant élaboré la RPC ont été documentés.

Nombre d'évaluateurs
Afin d'accroître la fiabilité de l’évaluation, une RPC devrait être revue par au moins 2 lecteurs et si possible 4.
Échelle de réponse
Chaque item est coté sur une échelle à quatre points allant de 4 « tout à fait d’accord » à 1 « pas du tout d’accord » avec deux points intermédiaires : 3 « d’accord » et 2 « pas d’accord ». L’échelle mesure le degré d’accord avec le critère.
Commentaires
Chaque item est accompagné d’une case pour des commentaires.
Calcul des scores par domaine
Les scores standardisés par domaine peuvent être calculés en additionnant les scores de tous les items constituant ce domaine et en rapportant ce total comme le pourcentage du score maximal possible pour le domaine.
Les six domaines sont indépendants et ne devraient pas être agrégés en un score global de qualité. Les scores par domaine peuvent être utiles pour comparer des RPC et aider à la décision d’utiliser ou non une RPC. Par contre, il n'est pas possible d'établir des seuils pour les scores par domaine qui permettraient de distinguer des « bonnes » ou des « mauvaises » RPC.
Évaluation globale
Une section « Évaluation globale » se trouve à la fin de la grille. Elle comprend une série d’options : « fortement recommandé », « recommandé avec certaines réserves ou après modifications », « non recommandé » et « incertain ». L'évaluation globale implique que le lecteur effectue un jugement de la qualité d’une RPC en prenant en considération l'ensemble des critères d'évaluation.

Exercice proposé :
Prendre un article rapportant des recommandations de pratique clinique et les évaluer à l'aide de l'instrument AGREE.

Références
Harbour R, Miller J. A new system for grading recommendations in evidence based guidelines. BMJ 2001 Aug 11;323(7308):334-6.


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